150.10

 

 

29

septembre

2020

 

Loi
sur la responsabilité des collectivités publiques

et de leurs agents (Loi sur la responsabilité) (LResp)

(*)

 

 

État au
1er octobre 2021

Le Grand Conseil de la République et Canton de Neuchâtel,

sur la proposition de la commission législative, du 18 juin 2020,

décrète :

 

CHAPITRE PREMIER

Généralités

Objet

Article premier   1La présente loi règle :

a)  la responsabilité de la collectivité publique pour les actes de ses agents accomplis dans l'exercice de leurs fonctions ;

b)  la responsabilité des agents envers la collectivité publique pour les dommages qu'ils lui causent dans l'exercice de leurs fonctions.

2Par « collectivité publique », on entend l'État, le Grand Conseil, le Conseil d'État, les autorités judiciaires ainsi que les communes et les autres collectivités de droit public cantonal, communal ou intercommunal.

3Par « agent », on entend tout membre des collectivités publiques au sens de l'alinéa précédent ainsi que toute autre personne chargée de l'accomplissement d'une tâche de droit public.

 

Débats parlementaires

Art. 2   La collectivité publique ne répond pas des opinions émises au cours d'un débat parlementaire ou en commission par un membre d'une autorité législative ou exécutive.

 

Droit supplétif

Art. 3   Les dispositions du droit privé fédéral sont applicables à titre de droit supplétif.

 

Réserves

Art. 4   Le droit fédéral est réservé, ainsi que les dispositions spéciales du droit cantonal en la matière.  

 

CHAPITRE 2

Responsabilité de la collectivité publique envers les tiers

Section 1 : Responsabilité pour acte illicite

Principe

Art. 5   1La collectivité publique répond du dommage causé sans droit à un tiers par ses agents dans l'exercice de leurs fonctions, sans égard à la faute de ces derniers.

2Elle ne répond pas des dommages résultant de décisions ou de jugements ayant acquis force de chose jugée.

3Les décisions et jugements modifiés après recours n'entraînent la responsabilité de la collectivité publique que s'ils sont arbitraires.

 

Tort moral

Art. 6   Aux conditions prévues par le droit des obligations en matière d'actes illicites, une indemnité équitable peut en outre être allouée, en cas de faute de l'agent, à titre de réparation morale.

 

Section 2 : Responsabilité pour acte licite

Principe

Art. 7   La collectivité ne répond du dommage résultant des actes licites de ses agents que si la loi le prévoit ou si l'équité l'exige.

 

Mesures de police

Art. 8   1Lorsqu'un tiers subit des lésions corporelles ou décède à la suite de mesures de police destinées à écarter un danger susceptible de troubler l'ordre de la sécurité, la collectivité publique répond du dommage dans la mesure que justifie l'équité.

2L'indemnité est réduite ou supprimée lorsque la victime est elle-même à l'origine des mesures prises ou qu'elle a contribué par une faute grave à la survenance ou à l'aggravation du dommage.

 

Section 3 : Dispositions communes

Responsabilité primaire de l'État

Art. 9   Le lésé n'a aucune action contre l'agent responsable.

 

Prescription

Art. 10   L’action contre la collectivité publique se prescrit conformément aux dispositions du code des obligations en matière d’actes illicites.  

 

 

CHAPITRE 3

Action récursoire de la collectivité publique

Action récursoire

Art. 11   La collectivité publique qui a réparé le dommage a une action récursoire contre l'agent responsable qui l'a causé intentionnellement ou par négligence grave, même après la résiliation des rapports de service.

 

Compétence

Art. 12   L'action est exercée par l'organe exécutif de la collectivité publique concernée.

 

Prescription

Art. 13   L’action récursoire de la collectivité publique se prescrit par trois ans à compter du jour de la reconnaissance ou de la constatation judiciaire de sa responsabilité mais, dans tous les cas, par dix ans ou, en cas de mort d’homme ou de lésions corporelles, par vingt ans, à compter du jour où le fait dommageable s'est produit ou a cessé.  

 

CHAPITRE 4

Responsabilité de l'agent envers la collectivité publique

Responsabilité de l'agent

Art. 14   1L'agent répond du dommage qu'il cause à la collectivité publique dans l'exercice de ses fonctions, en raison d'une faute intentionnelle ou d'une négligence grave.

2Lorsque plusieurs agents ont causé ensemble le dommage, ils sont tenus de le réparer proportionnellement à leur faute.

 

Action

Art. 15   1L'action est exercée par l'organe exécutif de la collectivité publique concernée.

2Elle se prescrit et ses modalités sont réglées selon les dispositions du droit des obligations en matière d'actes illicites.

 

CHAPITRE 5

Responsabilité primaire de l'agent en vertu du droit fédéral

Action du lésé contre la collectivité publique

Art. 16   Lorsque l'agent assume en vertu du droit fédéral une responsabilité primaire pour les dommages causés à un tiers, le lésé peut agir contre la collectivité publique.

 

Action récursoire de la collectivité publique

Art. 17   L'action récursoire de la collectivité publique contre l'agent responsable est régie par les articles 11 à 13.

 

Action récursoire de l'agent

Art. 18   Lorsque l'agent qui assume une responsabilité primaire en vertu du droit fédéral a réparé le dommage causé à un tiers, il dispose d'une action récursoire contre la collectivité publique même après la résiliation des rapports de service, à moins que le dommage ne résulte d'une faute intentionnelle ou d'une négligence grave.

 

Prescription

Art. 19   L’action récursoire de l’agent se prescrit par trois ans à compter du jour de la reconnaissance ou de la constatation judiciaire de sa responsabilité mais, dans tous les cas, par dix ans ou, en cas de mort d’homme ou de lésions corporelles, par vingt ans, à compter du jour où le fait dommageable s'est produit ou a cessé.  

 

CHAPITRE 6

Compétence et procédure

Section 1 : Prétentions ne dépassant pas 30'000 francs  

Compétence

Art. 20   Les prétentions ne dépassant pas 30'000 francs doivent être adressées :  

a)  au département désigné par le Conseil d’État, s’il s’agit de dommages résultant de l’activité d’agents de l’État ;  

b)  à l’organe exécutif des autres collectivités publiques, s’il s’agit de dommages résultant de l’activité d’agents rattachés à l’une d’elle.

 

Procédure

Art. 21   1La loi sur la procédure et la juridiction administratives (LPJA), du 27 juin 1979[1], est applicable.

2La demande doit être motivée par écrit et indiquer les conclusions, ainsi que les moyens de preuve éventuels.

3La collectivité publique constate d’office les faits. Elle consulte l’organe mis en cause et procède, s’il y a lieu, à l’administration des preuves.

 

Transaction

Art. 22   1 Si la demande est fondée dans son principe, la collectivité publique entre en pourparlers avec la personne demanderesse.

2En cas d’accord, la transaction a les effets d’une décision entrée en force.  

3Si aucun accord n’est trouvé, la collectivité publique rend une décision en application de l’article 23.

 

Décision

Art. 23   1Si elle conteste tout ou partie des prétentions, la collectivité publique rend une décision au sens de la LPJA.

2Un recours peut être interjeté dans les 30 jours contre cette décision auprès du Tribunal cantonal.

 

Frais, avance et dépens

Art. 24   Les articles 47 et 48 LPJA sont applicables.  

 

Section 2 : Prétentions supérieures à 30'000 francs  

 

Compétence

Art. 25   Les prétentions supérieures à 30’000 francs doivent être adressées à la commission cantonale de la responsabilité des collectivités publiques.

 

Nomination

Art. 26   1Au début de chaque période administrative, le Conseil d’État nomme la commission de six à huit membres de qualifications diverses.  

2Parmi les membres ainsi nommés, le Conseil d’État désigne la ou le président, ainsi que la ou le président suppléant, qui doivent être membres de la magistrature de l’ordre judiciaire.  

 

Composition

Art. 27   1La commission siège à trois personnes. La ou le président choisit deux membres qui l'assistent pour traiter chaque affaire, en fonction de la nature de celle-ci.

2La ou le président désigne la ou le secrétaire qui peut être choisi hors de la commission.

 

Indemnité

Art. 28   Les membres de la commission et la ou le secrétaire sont indemnisés selon un tarif arrêté par le Conseil d'État.

 

Procédure  

Art. 29   1La loi sur la procédure et la juridiction administratives (LPJA), du 27 juin 1979, est applicable.  

2La demande doit être motivée par écrit et indiquer les conclusions, ainsi que les moyens de preuve éventuels.  

 

Conciliation

Art. 30   1Dès qu'elle en est saisie, la commission notifie la demande à la collectivité publique mise en cause et cite simultanément les parties à une audience de conciliation.  

2La commission peut au préalable ordonner un échange d'écritures entre parties ou l'administration de preuves, telles que la mise sur pied d'une expertise.

 

Séance de conciliation

Art. 31   1La commission s’efforce de concilier les parties.  

2Si l’une des parties ne comparaît pas, la conciliation est réputée avoir échoué.

3La collectivité publique peut être accompagnée lors de la séance par un tiers extérieur à son organisation.

4La commission peut, avec l’accord des parties, suspendre la procédure de conciliation et ordonner l’administration de preuves qui pourraient avoir une incidence sur les pourparlers.

 

Transaction

Art. 32   Si la négociation aboutit, la commission consigne l’accord intervenu au procès-verbal, lequel a les effets d’une décision entrée en force.

 

Échec de la conciliation

Art. 33   1Si la conciliation n’aboutit pas, la procédure continue.

2La commission instruit l’affaire et constate d’office les faits.

3La commission peut tenter à nouveau la conciliation sur la base des nouvelles preuves recueillies.

 

Décision

Art. 34   1Une fois l’instruction terminée, la commission se prononce à la majorité des voix et rend une décision au sens de la LPJA.

2Sa décision doit intervenir dans un délai de six mois dès la clôture de l’instruction.

3Un recours peut être interjeté dans les 30 jours contre cette décision auprès du Tribunal cantonal.

 

Frais, avance et dépens

Art. 35   1Les articles 47 et 48 LPJA sont applicables, sous réserve de l’alinéa 2.  

2Les frais et dépens sont mis à la charge de la partie qui succombe.

 

Section 3 : Action récursoire

Information et intervention de l'agent

Art. 36   1L'agent contre lequel une action récursoire d'une collectivité publique peut être envisagée est avisé par la collectivité publique aussitôt qu'un tiers a émis une prétention contre elle.

2Il peut intervenir dans le procès ouvert par le tiers contre la collectivité publique.

 

Information et intervention de la collectivité publique

Art. 37   1La collectivité publique contre laquelle peut être envisagée une action récursoire d'un agent personnellement mis en cause en vertu du droit fédéral par un tiers lésé est avisée aussitôt que le tiers a émis une prétention contre lui.

2Elle peut intervenir dans le procès ouvert par le tiers contre l'agent.

 

Obligation de diligence

Art. 38   La collectivité publique et l'agent mis en cause sont responsables des conséquences dommageables de toute information tardive.

 

Frais de défense

Art. 39   Lorsqu'un agent est personnellement mis en cause en vertu du droit fédéral par un tiers lésé, les frais entraînés par sa défense sont à la charge de la collectivité publique dont il relève, à moins qu'il ne réponde d'une faute intentionnelle ou d'une négligence grave.

 

CHAPITRE 7

Dispositions finales

Section 1 : Modification du droit antérieur

Loi sur la procédure et la juridiction administratives

Art. 40   La loi sur la procédure et la juridiction administratives (LPJA), du 27 juin 1979, est modifiée comme il suit :

 

Art. 58, lettre g (nouvelle teneur)

g)  des affaires à régler par l’action de droit administratif en vertu d’une autre loi, à l’exception de la loi sur la responsabilité des collectivités publiques et de leurs agents (LResp), du 29 septembre 2020.

 

Section 2 : Abrogation du droit antérieur

Art. 41   La loi sur la responsabilité des collectivités publiques et de leurs agents (Loi sur la responsabilité) (LResp), du 26 juin 1989[2], est abrogée.  

 

Section 3 : Dispositions transitoires

Art. 42   1Sous réserve de l’alinéa 2, la présente loi est applicable au dommage antérieur à son entrée en vigueur, dès lors que la péremption n’est pas échue en vertu de l’ancien droit.  

2La présente loi est applicable à toutes les causes pendantes au jour de son entrée en vigueur. Les affaires concernées sont transmises d’office par l’autorité saisie de la cause à la commission cantonale de la responsabilité des collectivités publiques. Toutefois, si avant l’entrée en vigueur de la présente loi, la collectivité publique a contesté les prétentions au sens de l’article 11, alinéa 2, de l’ancien droit, celui-ci reste applicable.  

 

Section 4 : Référendum, exécution et entrée en vigueur

Art. 43   1La présente loi est soumise au référendum facultatif.

2Le Conseil d'État pourvoit, s'il y a lieu, à la promulgation et à l'exécution de la présente loi. Il fixe la date de son entrée en vigueur.

 

Loi promulguée par le Conseil d'État le 3 février 2021.

L’entrée en vigueur est fixée avec effet au 1er octobre 2021.

 

 

 

 

 



(*) FO 2020 No 43

 

[1]     RSN 152.130

[2]     RLN XV 232