354.2

 

 

22

octobre

1984

 

Concordat
sur l'exécution des peines et mesures

concernant les adultes et les jeunes adultes

dans les cantons romands et du Tessin

(*)

 

 

 

Les cantons de Fribourg, Vaud, Valais, Neuchâtel, Genève et Jura, ainsi que le canton du Tessin,

vu les articles 374, 382 et 383 du code pénal1);

considérant la nécessité d'harmoniser et d'améliorer l'exécution des peines et mesures,

conviennent du présent concordat sur l'exécution des peines et mesures concernant les adultes et les jeunes adultes dans les cantons romands et du Tessin (ci-après: le concordat).

 

 

chapitre premier

Champ d'application

Principes

Article premier   L'exécution des peines et mesures prononcées contre des adultes ou des jeunes adultes est régie par le concordat:

a)  si elle incombe à un canton signataire et

b)  si elle a lieu dans un établissement concordataire.

 

Exceptions

Art. 2   1L'exécution des peines inférieures à trois mois et celle des peines d'emprisonnement à subir sous la forme des arrêts répressifs ou de la semi-détention n'est pas réglée par le concordat.

2Il en va de même pour l'exécution des mesures prises à l'égard des anormaux mentaux non dangereux et des alcooliques.

 

Chapitre 2

Organes du concordat

Organes

Art. 3   Les organes du concordat sont:

a)  la conférence des autorités cantonales compétentes en matière pénitentiaire, ci-après "la conférence";

b)  le secrétariat de la conférence;

c)  la commission concordataire;

d)  la commission romande des patronages.

 

A  Conférence romande des autorités cantonales compétentes en matière pénitentiaire

I.   Attributions

Art. 4   1La conférence romande des autorités cantonales compétentes en matière pénitentiaire (la conférence) est l'organe supérieur du concordat.

2La conférence élabore, dans les domaines où elle le juge nécessaire, des règlements d'application du concordat. Ces règlements sont adoptés par les cantons concordataires selon les règles qui leur sont propres.

3Elle adopte, dans les domaines où elle le juge nécessaire, des directives à l'intention des cantons concordataires en vue d'harmoniser l'exécution des peines et mesures.

4Elle prend les décisions que le concordat met dans sa compétence.

5Elle surveille l'application et l'interprétation du concordat. Elle veille, notamment, à ce que les règlements des établissements concordataires ne contiennent rien de contraire au concordat et à ses dispositions d'application.

6Elle peut proposer aux cantons concordataires la création de nouveaux établissements ou leur adresser des recommandations concernant des améliorations à apporter au régime de l'exécution des peines et mesures.

7Elle peut, avec l'accord du gouvernement du canton intéressé, modifier l'affectation d'un établissement concordataire si les circonstances le justifient.

8Elle est compétente pour passer convention avec un canton non concordataire pour le placement de certaines catégories de détenus.

9Elle encourage la formation professionnelle et le perfectionnement du personnel des établissements.

 

II.  Composition

Art. 5   1La conférence se compose d'un représentant de chacun des cantons romands. Chaque gouvernement cantonal désigne un conseiller d'Etat pour l'y représenter et agir en son nom.

2Un représentant du canton du Tessin prend part aux séances avec voix consultative.

3Les membres de la conférence peuvent se faire assister de leurs collaborateurs chargés de l'exécution des peines et mesures.

 

III. Organisation

Art. 6   1La conférence désigne son président.

2Elle constitue un secrétariat dont les frais sont supportés en commun par les cantons concordataires. Elle fixe la contribution de chaque canton.

3Elle se réunit au moins une fois par an et lorsqu'un canton concordataire en fait la demande.

4Elle fixe son mode de procéder.

 

B. Secrétariat de la conférence

Art. 7   1La conférence désigne son secrétaire.

2Le secrétaire prépare les séances de la conférence, lui soumet des propositions et tient les procès-verbaux.

3Il veille à l'exécution des décisions de la conférence et exécute les travaux dont elle le charge.

 

C. Commission concordataire

I.   Composition

Art. 8   1La commission concordataire est composée de personnes chargées de l'exécution des peines et mesures des cantons concordataires désignées par leur chef de département.

2Elle est présidée par le secrétaire de la conférence.

3Un représentant de la commission romande des patronages, désigné par celle-ci, assiste aux séances avec voix consultative.

4La commission fixe son mode de procéder.

 

II.  Attributions

Art. 9   La commission concordataire a pour tâche:

a)  d'étudier les questions qui lui sont soumises par la conférence, le secrétariat de celle-ci ou l'un de ses propres membres;

b)  de soumettre à la conférence, par l'intermédiaire de son président, toutes propositions utiles à l'application du concordat.

 

D. Commission romande des patronages

I.   Composition

Art. 10   1La commission romande des patronages est composée des directeurs des patronages des cantons concordataires. Son président est désigné par la conférence.

2Un représentant de la commission concordataire, désigné par celle-ci, assiste aux séances avec voix consultative.

3La commission fixe son mode de procéder.

 

II.  Attribution

Art. 11   La commission romande des patronages a pour tâches:

a)  de coordonner et harmoniser la pratique des patronages des cantons concordataires;

b)  de procéder à toutes les études demandées par la conférence ou son secrétaire;

c)  de soumettre à la conférence, par l'intermédiaire du secrétaire de celle-ci, toutes les propositions qu'elle juge opportunes.

 

Chapitre 3

Etablissements concordataires

Etablissements destinés aux hommes

Art. 12   Pour l'exécution des peines et mesures prononcées à l'égard des hommes, les cantons romands disposent ou disposeront des établissements mentionnés ci-après:

1.  Pour les détenus primaires: l'Etablissement de Bellechasse et la Colonie pénitentiaire de Crêtelongue.

     A titre exceptionnel et pour de justes motifs, des délinquants primaires peuvent être placés dans un établissement pour détenus récidivistes.

2.  Pour les détenus récidivistes: les Etablissements de la plaine de l'Orbe. A titre exceptionnel et pour de justes motifs, des délinquants récidivistes peuvent être placés dans un établissement pour détenus primaires.

3.  Pour les délinquants d'habitude: les Etablissements de plaine de l'Orbe.

4.  Pour les condamnés bénéficiant du régime de fin de peine:

a)  des sections ouvertes dans les établissements de Bellechasse, de Crêtelongue et de la plaine de l'Orbe;

b)  des sections de semi-liberté dans les établissements désignés par décisions de la conférence avec l'accord du gouvernement du canton où l'établissement a son siège.

5.  Pour les toxicomanes internés et les toxicomanes condamnés à une peine et qui, au cours de leur détention, apparaissent motivés pour suivre un traitement: des établissements aménagés et administrés par une fondation, avec la participation et l'appui financier des cantons concordataires.

6.  Pour les délinquants anormaux dangereux et pour les détenus qui se révèlent mentalement anormaux en cours d'exécution: des sections de la prison de Champ-Dollon.

7.  Pour les détenus primaires ou récidivistes et les délinquants d'habitude nécessitant une approche particulière: le centre d'observation et de traitement aux Etablissements de la plaine de l'Orbe.

8.  Pour les détenus et internés qui doivent faire l'objet d'une intervention médicale: le quartier cellulaire de l'Hôpital cantonal de Genève, si des mesures de sécurité sont nécessaires.

9.  Pour les détenus et internés devant recevoir des soins médicaux exigeant leur placement dans une infirmerie: l'infirmerie cellulaire de la prison de La Chaux-de-Fonds, si des mesures de sécurité sont nécessaires.

10.Pour les jeunes adultes placés dans une maison d'éducation au travail:

a)  l'Etablissement de Pramont pour la phase en régime fermé;

b)  un établissement dépendant du canton de Genève, un autre dépendant du canton de Neuchâtel et l'Etablissement de Pramont, pour la phase de semi-liberté.

 

Etablissements destinés aux femmes

Art. 13   Pour l'exécution des peines et mesures prononcées à l'égard des femmes, les cantons romands disposent ou disposeront des établissements mentionnés ci-après:

1.  Pour les détenues, primaires et récidivistes, et pour les délinquantes d'habitudes: un établissement dépendant du canton de Vaud.

2.  Pour les condamnées bénéficiant du régime de fin de peine:

a)  une section ouverte dans un établissement dépendant du canton de Vaud;

b)  une section ouverte et de semi-liberté dans un établissement dépendant du canton de Genève;

c)  d'autres établissements désignés par décision de la conférence avec l'accord du gouvernement du canton où ils ont leur siège.

3.  Pour les toxicomanes internées et les toxicomanes condamnées à une peine et qui, au cours de leur détention, apparaissent motivées pour suivre un traitement: des établissements aménagés et administrés par une fondation, avec la participation et l'appui financier des cantons concordataires.

4.  Pour les détenues et internées qui doivent faire l'objet d'une intervention médicale: le quartier cellulaire de l'Hôpital cantonal de Genève, si des mesures de sécurité sont nécessaires.

5.  Pour les jeunes adultes placées dans une maison d'éducation au travail: un établissement dépendant du canton de Genève.

 

Chapitre 4

Placement et admission des condamnés

Placement

Art. 14   1Les cantons romands s'engagent à placer dans les établissements concordataires prévus à cette fin les catégories de détenus et internés (les détenus) auxquels s'applique le concordat.

2Le placement ou le transfert d'un détenu dans un établissement non concordataire, qu'il soit ou non situé dans l'un des cantons parties au concordat, demeure réservé dans des circonstances particulières, notamment pour des motifs de sécurité ou de discipline.

 

Admission

Art. 15   1Les cantons disposant d'établissements concordataires s'engagent à y admettre les détenus des cantons signataires.

2Dans la mesure où les établissements disposent d'un nombre de places suffisant, ils peuvent y admettre:

a)  des détenus en exécution de peine anticipée et

b)  à titre exceptionnel, des détenus de la catégorie qui leur est dévolue en provenance de cantons non concordataires.

 

Détention préventive de jeunes adultes

Art. 16   Des détenus en détention préventive auxquels l'article 100bis CP paraît applicable peuvent être placés par le magistrat compétent, aux fins d'observation, dans la Maison d'éducation au travail de Pramont ou, s'il s'agit de femmes, dans la maison prévue à l'article 13, chiffre 5.

 

Procédure

Art. 17   1Le canton chargé de l'exécution du jugement ou de la décision (canton de jugement) procède selon sa libre appréciation au placement du condamné dans l'établissement approprié, sur la base des indications contenues dans le jugement.

2Sous réserve que la procédure cantonale le permette, le jugement motivé et l'extrait du casier judiciaire sont transmis à la direction de l'établissement, ainsi que, le cas échéant, le rapport psychiatrique établi en cours d'enquête.

3Si, en cours d'exécution, la direction de l'établissement estime qu'un détenu doit être transféré, elle adresse une demande à l'autorité compétente du canton de jugement.

 

Chapitre 5

Exécution des peines et mesures dans les établissements concordataires

Compétences

Art. 18   1Le canton de jugement exerce, à moins qu'il ne les ait expressément déléguées à un autre canton, toutes les compétences légales relatives à l'exécution de la peine ou de la mesure.

2Il statue notamment sur:

a)  la libération définitive ou conditionnelle;

b)  le régime de fin de peine;

c)  les congés;

d)  l'interruption d'une peine ou d'une mesure;

e)  la suppression d'une mesure;

f)   la réintégration;

g)  le renvoi de l'exécution d'une peine ou d'une mesure;

h)  le transfert dans un autre établissement.

3Il est également compétent en matière de patronage, s'il n'a pas délégué celui-ci à l'autorité du canton dans lequel le détenu se rendra après sa libération.

4Demeurent réservées, pour les cantons qui y ont adhéré, les dispositions du concordat concernant les frais d'exécution des peines et mesures.

 

Régime progressif

Art. 19   Les peines et mesures sont exécutées selon un régime progressif dont la conférence détermine les modalités.

 

Statut des détenus

Art. 20   Les détenus placés dans un établissement concordataire sont soumis aux prescriptions légales et réglementaires du canton où l'établissement a son siège, notamment en matière disciplinaire.

 

Visite des établissements

Art. 21   Les autorités compétentes des cantons signataires ont la faculté de visiter les établissements concordataires.

 

Rapports et préavis

Art. 22   1Les établissements concordataires font immédiatement rapport au canton de jugement en cas d'échec d'un congé, d'évasion, de maladie grave, d'accident ou de décès d'un détenu.

2Ils préavisent notamment au sujet de la libération conditionnelle, du régime de fin de peine, des congés et de l'interruption de la peine.

3Ils répondent à toute demande de renseignement adressée par les cantons de jugement au sujet des détenus placés sous leur autorité.

 

Assistance

Art. 23   Les établissements concordataires assurent l'assistance médicale et sociale des détenus; ils favorisent l'assistance spirituelle.

 

Formation professionnelle

Art. 24   Les cantons concordataires organisent, selon les possibilités, dans les établissements placés sous leur autorité, des cours professionnels et de perfectionnement destinés à contribuer à la rééducation des détenus et à préparer leur retour à la liberté.

 

Frais médicaux

Art. 25   Sous réserve de leur prise en charge par le détenu, les frais médicaux sont supportés:

a)  par le canton de jugement en cas de maladie;

b)  par le canton où l'établissement a son siège en cas d'accident;

c)  par le canton de jugement et celui où l'établissement à son siège, selon une clé de répartition fixée par la conférence, en cas de traitement dentaire.

 

Prix de pension

Art. 26   1Sous réserve, pour les cantons qui y ont adhéré, des règles fixées par le concordat concernant les frais d'exécution des peines et mesures, le canton de jugement est responsable du paiement des frais de pension des détenus.

2Les prix de pension dans les établissements concordataires sont fixés par la conférence, qui tient compte de leur destination et des charges qui en résultent, ainsi que des conditions de leur exploitation.

 

Part du détenu au produit de son travail

Art. 27   Les détenus placés dans les établissements concordataires reçoivent une part du produit de leur travail. Les cantons s'engagent à en fixer le montant conformément aux décisions de la conférence.

 

Chapitre 6

Adhésion partielle du canton du Tessin

Placement des détenus tessinois dans les établissements concordataires

Art. 28   Les cantons romands reçoivent les détenus que le canton du Tessin demande à placer:

a)  dans les établissements destinés aux détenus primaires ou récidivistes ainsi qu'aux délinquants d'habitude, si la peine est d'une année au moins et pour autant que le condamné n'ait pas de liens avec le canton du Tessin;

b)  dans les établissements destinés à l'éducation au travail;

c)  dans les établissements destinés à recevoir des détenus anormaux dangereux.

 

Placement de détenus romands dans les établissements tessinois

Art. 29   Le canton du Tessin reçoit en régime de fin de peine les détenus de langue italienne placés par les cantons romands.

 

Chapitre 7

Dispositions finales et transitoires

Contentieux concordataire

Art. 30   Tout litige entre cantons concordataires ou organes subordonnés du concordat est tranché par la conférence en instance unique.

 

Entrée en vigueur

Art. 31   1Le concordat entrera en vigueur, après avoir été approuvé par le Conseil fédéral et les autorités compétentes de tous les cantons concordataires, à la date que fixera la conférence2).

2Dès cette date, le concordat sur l'exécution des peines et mesures concernant les adultes dans les cantons romands, approuvé par le Conseil fédéral le 2 septembre 19663), est abrogé.

3La conférence veille à ce que les études et travaux concernant la création de nouveaux établissements soient conduits avec la célérité désirable.

 

Droit transitoire

Art. 32   1L'exécution des peines et mesures en cours au moment de l'entrée en vigueur est régie par le présent concordat sauf si l'ancien droit est plus favorable au détenu.

2Pour le surplus, la conférence prend les dispositions nécessaires pour la période transitoire.

 

Conventions contraires

Art. 33   Les cantons concordataires s'abstiennent de conclure des conventions contraires au concordat.

 

Résiliation

Art. 34   1Chacun des cantons concordataires a la faculté de dénoncer le concordat pour la fin d'une année civile, en observant un délai de résiliation de cinq ans.

2La déclaration de résiliation doit être adressée par le gouvernement cantonal au président de la conférence.

 

 

Ainsi adopté par la conférence des chefs des départements de Justice et Police de la Suisse romande et du Tessin, le 22 octobre 1984.

 

 

 

Notes:

(*)         RLN XIII 287

 

1)         RS 311.0

 

2)         L'entrée en vigueur a été fixée au 1er janvier 1989 selon décision de la conférence des chefs des départements de Justice et Police de Suisse romande, du 6 avril 1987

 

3)         RLN III 749