727.2
20 février 2018
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Loi
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État au |
Le Grand Conseil de la République et Canton de Neuchâtel,
vu le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, du 16 décembre 1966[1] ;
vu la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales, du 1er février 1995[2] ;
vu la loi fédérale sur l’aménagement du territoire (LAT), du 22 juin 1979[3] ;
vu la loi cantonale sur l’aménagement du territoire (LCAT), du 2 octobre 1991[4] ;
vu la loi sur la police (LPol), du 4 novembre 2014[5] ;
vu le rapport 17.009 au Grand Conseil concernant la gestion cantonale du transit et des séjours des gens du voyage sur le territoire neuchâtelois, du 8 mars 2017 ;
sur la proposition du Conseil d'État, du 6 novembre 2017,
décrète :
Section 1 : but, objets, champ d’application et définitions
Article premier La présente loi a pour but, dans le respect des intérêts de la population sédentaire et du mode de vie des communautés nomades, de gérer le séjour et le transit de ces dernières.
Art. 2 Elle règle :
a) la coordination des autorités et des collectivités publiques compétentes ;
b) la procédure et les conditions de création des aires d'accueil pour les communautés nomades ;
c) les principales conditions de mise à disposition temporaire d’autres terrains ;
d) les principales modalités d’utilisation d’une aire ou d’un terrain ;
e) les droits et obligations des communautés nomades ;
f) l’évacuation d’un campement illicite.
Art. 3 La présente loi s'applique à toute communauté nomade, au sens de l'article 4 ci-dessous, qui souhaite installer un campement sur le territoire neuchâtelois.
Art. 4 Au sens de la présente loi :
a) les communautés nomades suisses, sont celles formées par les citoyennes et citoyens suisses, issus des communautés reconnues comme minorités nationales par le Conseil fédéral et dont le mode de vie consiste à se déplacer, notamment en vue d’exercer une activité économique, et s’abriter au moyen de véhicules automobiles et de caravanes, dotés de plaques de contrôle suisses ;
b) les autres communautés nomades, sont celles formées par des citoyennes et citoyens issus d’une communauté nomade non reconnue en tant que minorité nationale ou provenant de l’étranger ;
c) les représentants d’une communauté nomade, sont désignés par celle-ci et sont habilités à la représenter auprès des autorités et des organes de contrôle de la présente loi ;
d) l’aire d'accueil, désigne de manière générique les aires de séjour, de passage et de transit pour les communautés nomades et qui font l’objet d’une planification au sens de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire ;
e) le campement, est constitué par l’ensemble des véhicules automobiles et des caravanes à l’arrêt d’une communauté nomade ;
f) le convoi, est constitué par l’ensemble des véhicules automobiles en mouvement d’une communauté nomade ;
g) le territoire neuchâtelois désigne tout terrain, bien-fonds cadastré au registre foncier, voie ou domaine public cantonal ou communal situé dans le canton de Neuchâtel et quel qu'en soit le propriétaire ou l’ayant-droit (personne physique, morale ou collectivité publique).
Section 2 : autorités compétentes et coordination
Art. 5 1Le Conseil d'État met en œuvre la présente loi, de concert avec les communes et les organes de contrôle chargés de son application.
2Il est habilité à collaborer avec la Confédération, les cantons voisins et des tiers pour planifier des aires d'accueil ailleurs que sur le territoire neuchâtelois.
3Il conclut cas échéant avec les entités désignées à l'alinéa 2 ci-dessus des contrats de prestations.
Art. 6 Les communes collaborent à l'application de la présente loi.
Art. 7 Les organes de contrôle de la présente loi sont :
a) le département désigné par le Conseil d'État (ci-après : le département) ;
b) le département en charge de la police, pour les ordres d'évacuation (ci-après : le département de police) ;
c) la police neuchâteloise ;
d) les communes et les représentants qu’elles désignent ;
e) les services cantonaux concernés.
Art. 8 1Les
autorités cantonale et communales coordonnent leurs activités afin de trouver
des emplacements pour les aires d'accueil.
2À cet effet, elles collaborent également par voie de partenariat avec les propriétaires fonciers privés.
3Faute de résultat consécutif à une coordination entre les autorités cantonales et communales, le Conseil d'État peut instaurer par voie d’arrêté une rotation entre communes pour la mise à disposition d'aires d'accueil temporaires durant la période déterminée par le Conseil d’État.
Règles relatives aux campements et aux communautés nomades
Section 1 : localisation et licéité d'un campement
Art. 9 Un campement ne peut être installé que :
a) sur une aire d’accueil cantonale ou communale ;
b) sur un site provisoire défini par arrêté du Conseil d’État ;
c) sur un terrain privé ou public qui fait l’objet d’un contrat-cadre « communauté nomade » écrit et conclu avec son propriétaire ou son ayant-droit.
Art. 10 Un campement est réputé licite aux conditions suivantes :
a) il est conforme à l’affectation de la zone ou à l’arrêté du Conseil d’État de mise à disposition d’un site provisoire ou encore fait l’objet d’un contrat-cadre « communauté nomade » ;
b) il ne porte atteinte à aucun intérêt public prépondérant ;
c) il respecte la présente loi, les prescriptions qui en découlent, la réglementation communale.
Section 2 : conformité à l'affectation de la zone, à un arrêté du Conseil d’État ou à un contrat-cadre
Art. 11 1La zone de communauté nomade est une autre zone d’affectation au sens de la Loi fédérale sur l’aménagement du territoire.
2Elle suit la procédure d’adoption du plan d’affectation, cantonal ou communal, définie par la législation sur l'aménagement du territoire.
3Elle est destinée aux campements de communautés nomades et aux installations nécessaires à cette affectation.
4La réglementation de zone énonce notamment la catégorie de l'aire d'accueil (art. 16 ci-dessous), les prescriptions qui s'y appliquent et le nombre maximal de véhicules admissibles.
Site provisoire et contrat-cadre
Art. 12 1En dehors des zones « communautés nomades », seuls des terrains mis temporairement à disposition par arrêté du Conseil d’État ou qui font l'objet d’un contrat-cadre écrit, conclu entre le propriétaire du terrain ou un ayant-droit et les représentants de la communauté nomade, peuvent accueillir un campement.
2L’arrêté du Conseil d’État ou le contrat-cadre énonce :
a) le terrain mis à disposition ;
b) le montant du dépôt en garantie et de la taxe journalière de stationnement ;
c) le nombre maximal de véhicules et de personnes pouvant y être accueillis ;
d) la durée de la location ;
e) les éventuelles infrastructures (WC, eau, électricité, bennes à déchet) fournies ;
f) l’obligation faite aux communautés nomades de nettoyer intégralement le terrain et ses alentours avant leur départ ;
g) toute autre condition de mise à disposition.
3Le Conseil d’État peut, par voie d’arrêté, ouvrir des sites provisoires notamment lors de la procédure de planification au sens de l’article 11 ci-dessus, d’une aire d’accueil.
Droits et obligations du propriétaire
Art. 13 1Le propriétaire ou l’ayant-droit d'un terrain adresse une copie de chaque contrat-cadre qu'il conclut au service désigné par le Conseil d'État dans le règlement d'exécution.
2En zone agricole, il peut conclure au maximum deux contrats-cadres de trente jours chacun par année.
3Il est le garant de l’obligation de nettoyage et de remise en état du site, imposée à la communauté nomade à l’article 21, alinéa 1, lettre g ci-dessous.
Art. 14 1Le Conseil d’État adopte un modèle de contrat-cadre.
2Il garantit sa mise à disposition auprès des communes et auprès des propriétaires fonciers et ayants-droit.
Section 3 : intérêts publics prépondérants
Art. 15 Les intérêts publics prépondérants découlent notamment du droit de l'environnement, des déchets, de la protection des eaux, de la nature, de la concurrence déloyale, du commerce itinérant ainsi que de la sécurité et de la salubrité publiques.
Section 4 : aires d'accueil
Catégories des aires d'accueil
Art. 16 Les aires d'accueil peuvent être :
a) de séjour ;
b) de passage ;
c) de transit.
2Seule une collectivité publique peut créer une aire d’accueil, en respectant une procédure de planification au sens de l'article 11 ci-dessus.
Art. 17 L'aire de séjour est destinée à l'accueil permanent des communautés nomades suisses.
Art. 18 1L'aire de passage est destinée, durant la période déterminée par le Conseil d’État, au maximum du 1er avril au 31 octobre, à l'accueil temporaire de communautés nomades suisses tel que défini dans le règlement d'exécution.
2Le règlement de zone fixe la durée maximale d’un même campement.
Art. 19 1L’aire de transit est destinée, durant la période déterminée par le Conseil d’État, au maximum du 1er avril au 31 octobre, à l'accueil temporaire des autres communautés nomades tel que défini dans le règlement d'exécution.
2Le règlement de zone fixe la durée maximale d’un même campement.
Section 5 : les communautés nomades
Art. 20 Toute communauté nomade qui souhaite stationner sur territoire neuchâtelois doit annoncer préalablement son arrivée aux organes de contrôle. Ces derniers :
a) l'informent de ses droits et obligations ;
b) prélèvent une garantie en espèces pour les aires d’accueil et les sites provisoires définis par arrêté du Conseil d’État ;
c) vérifient, cas échéant, avec le propriétaire du terrain ou son ayant-droit la conclusion d'un contrat-cadre, le respect de l’article 10 de la présente loi et de son envoi au service désigné par le Conseil d'État.
Droits et obligations de la communauté nomade
Art. 21 1La communauté nomade doit :
a) annoncer préalablement son arrivée aux organes de contrôle ;
b) désigner ses représentants ;
c) indiquer la durée du passage ou du transit ;
d) disposer des autorisations nécessaires en matière de commerce itinérant pour exercer des activités économiques ;
e) verser la garantie pour l'occupation de l’aire ou terrain et la taxe journalière de stationnement ;
f) respecter les intérêts publics prépondérants et le droit en vigueur, notamment la réglementation de zone, la réglementation communale, l’arrêté de mise à disposition ou le contrat-cadre ;
g) avant son départ nettoyer et remettre en état le terrain et ses alentours et éliminer ses déchets dans le respect des normes en vigueur.
2Moyennant versement de la garantie et de la taxe journalière de stationnement, et respect des formalités à l'arrivée du convoi, la communauté nomade a le droit d'occuper le terrain défini, dans la limite de sa disponibilité, pour la durée prévue par le règlement de zone, l’arrêté du Conseil d’État ou le contrat-cadre, et dans les limites définies par la loi.
3Outre les exigences fixées par le droit fédéral, les autorisations nécessaires en matière de commerce itinérant pour exercer des activités économiques sont obtenues sur présentation d’une attestation de campement licite au sens de l’article 10 de la présente loi.
Art. 22 1La garantie est restituée par les organes de contrôle aux représentants de la communauté nomade, le jour de son départ, si cette dernière a satisfait à toutes ses obligations, notamment de nettoyage du terrain et des alentours.
2À défaut, la garantie est acquise au propriétaire du terrain.
3Le Conseil d'État fixe le montant de la garantie.
Art. 23 1Avant le départ d'une communauté nomade, les organes de contrôle vérifient que les membres du campement ont nettoyé et cas échéant remis en état l'aire d'accueil et ses alentours directs.
2La police neuchâteloise est habilitée à différer le départ et à retenir le convoi afin que la communauté nomade procède aux nettoyages nécessaires.
Section 6 : évacuation d'un campement illicite et procédure
Art. 24 Tout campement illicite, qui ne respecte pas ou plus les dispositions de la présente loi, de son règlement d'exécution, du règlement de zone, de l’arrêté du Conseil d’État ou du contrat-cadre, peut faire l'objet d'une évacuation exécutée par la police neuchâteloise.
Art. 25 1Le propriétaire, l’ayant-droit ou un organe de contrôle requiert du ou de la chef-fe du département de police un ordre d’évacuation, en indiquant les causes de l’illicéité, cas échéant avec le contrat-cadre à l’appui.
2Le département de police ordonne par écrit l'évacuation.
Art. 26 1Avant que le département de police décide de prononcer l'évacuation, les représentants de la communauté nomade concernée exercent oralement son droit d’être entendus auprès d'un organe de contrôle et se prononcent sur les motifs à l'appui de la requête.
2Leurs déclarations sont verbalisées et transmises au département de police.
3. Notification de la décision
Art. 27 1La décision du département de police qui ordonne l'évacuation est notifiée aux représentants de la communauté nomade par la police neuchâteloise et adressée à la commune et au propriétaire ou son ayant-droit concernés.
2La décision indique les motifs de l'évacuation et la date du départ. Elle requiert l'assistance de la police neuchâteloise pour procéder à l'évacuation.
4. Recours et retrait de l'effet suspensif
Art. 28 1Le recours contre la décision d'évacuation n'a pas d'effet suspensif.
2Si le recours est fondé et si l'évacuation a déjà été exécutée, la Cour de droit public du Tribunal cantonal se limite à constater l'illicéité de la décision attaquée.
3Les féries judiciaires ne sont pas applicables.
Art. 29 1Le Conseil d'État arrête les dispositions d'exécution nécessaires ainsi que le montant de la taxe journalière de stationnement et les critères pour fixer la garantie.
2Il désigne le département chargé de l'application de la présente loi et de ses dispositions d'exécution ainsi que les services cantonaux concernés.
Art. 30 1Les décisions des communes prises en application de la présente loi peuvent faire l'objet d'un recours auprès du département compétent.
2Les décisions du département et du Conseil d’État peuvent faire l'objet d'un recours à la Cour de droit public du Tribunal cantonal.
3La loi sur la procédure et la juridiction administratives (LPJA), du 28 juin 1979[6] s’applique, sous réserve des dispositions particulières de l’article 28 ci-dessus relatives aux décisions d’évacuation.
Art. 31 Les contraventions aux articles 9, 10, 13 et 21 de la présente loi et à leurs dispositions d'exécution peuvent faire l'objet d'une peine d'amende jusqu'à 40'000 francs.
Modification du droit en vigueur
Art. 32 La modification du droit en vigueur figure en annexe.
Art. 33 La présente loi est soumise au référendum facultatif.
Promulgation et entrée en vigueur
Art. 34 1Le Conseil d'État pourvoit, s'il y a lieu, à la promulgation et à l'exécution de la présente loi.
2Il fixe la date de son entrée en vigueur.
Loi promulguée par le Conseil d'État le 29 mars 2018.
L’entrée en vigueur est fixée avec effet au 1er avril 2018.
Annexe
(Art. 32)
Modification du droit en vigueur
La loi sur l'utilisation du domaine public (LUDP), du 25 mars 1996, est modifiée comme suit :
Article premier, alinéa 2 (nouvelle teneur)
2Est réservée la législation concernant les concessions sur l’usage de l’eau, les concessions sur les grèves des lacs et cours d'eau faisant partie du domaine de l'État, celle concernant le camping et le caravaning sur le domaine public de l'État, ainsi que celle relative au stationnement des communautés nomades.