161.2

 

 

28

mai

2019

 

Loi
sur l’assistance judiciaire (LAJ)

(*)

 

 

État au
1er juillet 2019

Le Grand Conseil de la République et Canton de Neuchâtel,

vu l’article 28, alinéa 3, de la Constitution de la République et Canton de Neuchâtel (Cst. NE), du 24 septembre 2000[1] ;

vu les articles 117 à 123 du Code de procédure civile (CPC), du 18 décembre 2008[2] ;

vu les articles 132 à 138 du Code de procédure pénale (CPP), du 5 octobre 2007[3] ;

sur la proposition de la commission législative, du 17 janvier 2019,

décrète :

 

CHAPITRE PREMIER

Dispositions générales

But  

Article premier   1L’assistance judiciaire a pour but de garantir l’accès à la justice aux personnes qui ne disposent pas des ressources nécessaires à cet effet.

2Elle comprend au besoin l’assistance d’un-e avocat-e.

3Dans les cas visés par les articles 213 et 214 CPC, elle comprend aussi le recours à une médiatrice ou à un médiateur.  

 

Droit applicable

Art. 2   1L’assistance judiciaire en matière civile et l’assistance judiciaire en matière pénale sont régies par le droit fédéral (art. 117 à 123 CPC et art. 132 à 138 CPP).

2Pour l’assistance judiciaire en matière administrative, les dispositions concernant l’assistance en matière civile (art. 117 à 123 CPC) sont applicables par analogie.

 

Conditions générales

a) indigence

Art. 3   1L’assistance judiciaire est accordée au justiciable qui ne peut pas assumer les frais liés à la défense de ses droits sans porter atteinte au minimum nécessaire à son entretien et celui de sa famille.

2Elle est subsidiaire aux obligations du droit civil.

 

b) chances de succès

Art. 4   1En matière civile et en matière administrative, l’octroi de l’assistance judiciaire est subordonné à la condition que la cause n’apparaisse pas dépourvue de toute chance de succès et lorsque la défense des droits du requérant l’exige.

2Il en va de même lorsque l’assistance judiciaire est requise par la partie plaignante qui entend faire valoir des conclusions civiles, lorsqu’elle est requise pour une procédure de recours, ou pour une procédure indépendante ultérieure au jugement au sens de l’article 363 CPP.

 

étendue

Art. 5   1L’assistance judiciaire comprend :

a)  l’exonération d’avances et de sûretés ;

b)  l’exonération des frais judiciaires ;

c)  la commission d’office d’un conseil juridique par le Tribunal lorsque la défense des droits de la personne requérante l’exige, en particulier lorsque la partie adverse est assistée d’un-e avocat-e ; l’assistance d’un conseil juridique peut déjà être accordée pour la préparation du procès. En matière pénale, les articles 132 et 136 CPP sont réservés.

2L’assistance judiciaire peut être accordée totalement ou partiellement.

3Elle ne dispense pas du versement des dépens à la partie adverse.

 

Autorité compétente

Art. 6   1Les décisions concernant l’octroi, le refus ou le retrait de l’assistance judiciaire, de même que la désignation d’un-e avocat-e, sa révocation et son remplacement sont du ressort de l’autorité saisie de la cause, ou que la personne requérante se propose de saisir.

2Lorsqu’il s’agit d’une autorité collégiale, la décision appartient à sa présidente ou à son président, à la juge ou au juge chargé de l’administration des preuves.

3En matière pénale, ces décisions sont du ressort de la direction de la procédure compétente au stade considéré.

 

Chapitre 2

Procédure

Requête

a) en général

Art. 7   1La personne requérante fournit les renseignements et les documents nécessaires pour apprécier les mérites de sa cause et sa situation personnelle.

2Elle utilise à cette fin la formule officielle établie par la Commission administrative des autorités judiciaires.

3Elle doit en outre justifier de sa situation financière.

4À cet effet, elle délie au besoin tout établissement financier du secret bancaire et accepte la levée du secret de fonction dans les services de l’administration.

 

b) avocat-e d’office

Art. 8   1La personne requérante indique, dans sa requête, si elle entend obtenir la désignation d’un-e avocat-e d’office.

2Elle précise, le cas échéant, l’avocat-e choisi-e.  

3Dans la règle, l’avocat-e choisi-e est désigné-e comme avocat-e.

 

Détermination de l’autre partie

Art. 9   En matière civile et administrative, la requête peut être communiquée à l’autre partie pour lui permettre de se déterminer dans un délai de trente jours.

 

Décision

Art. 10   1L’autorité compétente se prononce sur la requête, le cas échéant après avoir procédé aux actes d’instruction nécessaires.  

2Elle peut notamment exiger de la personne requérante ou de tiers toutes les informations et tous les documents qui doivent lui permettre de se prononcer en connaissance de cause.

3Si la personne requérante ne donne pas suite aux réquisitions dont elle fait l’objet, ou si les renseignements ou documents qu’elle fournit sont inexacts ou incomplets, sa requête est en principe rejetée.

 

Frais de procédure

Art. 11   1Il n’est pas perçu de frais pour la procédure d’assistance judiciaire, sauf en cas de comportement téméraire ou contraire à la bonne foi.

2Des frais peuvent être perçus dans la procédure de recours.

 

Durée de l’assistance judiciaire

Art. 12   1L’assistance judiciaire prend effet le jour où elle a été requise. L’autorité compétente peut exceptionnellement accorder l’assistance judiciaire avec effet rétroactif, sur requête motivée.

2Sauf en matière pénale, l’assistance judiciaire doit faire l’objet d’une nouvelle requête pour la procédure de recours.  

3En cas d’urgence, l’autorité compétente peut accorder, sur demande, l’assistance judiciaire à titre provisoire, avant l’instruction de la requête.

4Constitue notamment un tel cas d'urgence le fait pour la personne requérante de devoir accomplir un acte de procédure dans un délai péremptoire ou de devoir comparaître devant une autorité avant qu'ait été rendue la décision au sens de l'article 10.

 

Informations subséquentes

Art. 13   1La personne bénéficiaire de l’assistance judiciaire est tenue de communiquer immédiatement à l’autorité compétente toute modification des faits sur lesquels repose la décision d’octroi de l’assistance judiciaire, ainsi que la survenance de tout autre fait relatif aux conditions d’octroi de l’assistance judiciaire.

2L’autorité compétente procède au besoin au réexamen des conditions d’octroi de l’assistance judiciaire.

 

Retrait de l’assistance judiciaire

Art. 14   1L’autorité compétente retire l’assistance judiciaire lorsque les conditions de son octroi ne sont plus réalisées, ou s’il s’avère qu’elles ne l’ont jamais été.

2Sauf urgence, elle entend préalablement la personne bénéficiaire et l’avocat-e. En cas de retrait, les honoraires de l’avocat-e sont garantis, sauf s’il ou elle savait ou aurait dû savoir que les conditions n’étaient pas remplies.

 

Communication des décisions

Art. 15   Les décisions d’octroi, de réexamen et de retrait de l’assistance judiciaire sont communiquées d’office au département désigné par le Conseil d’État (ci-après : le département).

 

 

Chapitre 3

Avocat-e

Section 1 : Désignation

Conditions générales

Art. 16   1Un-e avocat-e est désigné-e à la personne bénéficiaire de l’assistance judiciaire :

a)  aux conditions fixées à l’article 118, alinéa 1, lettre c, CPC en matière civile et administrative ;

b)  aux conditions fixées aux articles 132 et 136 CPP en matière pénale.

2La personne bénéficiaire de l’assistance judiciaire peut proposer l’avocat-e de son choix.

 

Monopole

Art. 17   1L’avocat-e est choisi-e parmi les avocat-e-s inscrit-e-s au rôle officiel du barreau, qui sont en principe tenu-e-s d’accepter un tel mandat.

2En matière de contrat de bail et de contrat de travail, lorsque la représentation par des mandataires professionnellement qualifié-e-s est admise au sens de l'article 68 CPC, ils ou elles peuvent être désigné-e-s comme conseil juridique.

3Sur la proposition de la personne bénéficiaire de l’assistance judiciaire, et avec l’accord de l’avocat-e intéressé-e, l’autorité compétente peut désigner un-e avocat-e inscrit-e au registre des avocat-e-s d’un autre canton, pour autant que des circonstances particulières le justifient.

 

Remplacement de l’avocat-e désigné-e

Art. 18   Si la relation de confiance entre la personne bénéficiaire de l’assistance judiciaire et l’avocat-e est gravement perturbée ou si une représentation efficace n’est plus assurée pour d’autres raisons, l’autorité compétente peut confier le mandat à un-e autre avocat-e.

 

Section 2 : Exécution du mandat

En général

Art. 19   1L’avocat-e exerce son mandat avec soin et diligence.

2Son activité se limite à ce qui est nécessaire à la défense des intérêts qui lui sont confiés, en tenant compte de la nature, de l’importance et de la difficulté de la cause, ainsi que de la responsabilité qu’il ou elle est appelé-e à assumer.

 

Responsabilité

Art. 20   1L’avocat-e est responsable de tout dommage qu’il ou elle cause dans l’exercice de son mandat d’assistance judiciaire, intentionnellement ou par négligence.

2Sa responsabilité est soumise aux dispositions du Code des obligations.

3L’État ne répond pas des conséquences civiles des fautes commises par l’avocat-e.

 

Section 3 : Indemnisation

Principes

Art. 21   1Sous réserve de l’article 135, alinéa 4 CPP, l’avocat-e ne peut facturer à la personne bénéficiaire de l’assistance judiciaire ni provisions ni honoraires.

2Il ou elle est indemnisé-e par l’État en fonction de son activité.

 

Tarif horaire

Art. 22   1L’indemnité due à l’avocat-e est calculée selon le tarif horaire suivant, TVA non comprise :

a)  avocat-e : 180 francs

b)  mandataire professionnellement qualifié-e : 140 francs

c)  avocat-e stagiaire et médiateur-trice : 110 francs

2Seules les heures nécessaires sont retenues. Elles sont appréciées en fonction des critères mentionnés à l’article 19, alinéa 2.

 

Frais de déplacement

Art. 23   1Les déplacements de l’avocat-e sont indemnisés au tarif forfaitaire de 3 francs par kilomètre, TVA non comprise, incluant le temps et les frais. Pour les avocats-stagiaires, ce tarif forfaitaire se monte à 2 francs par kilomètre.

2Les déplacements hors canton sont indemnisés au tarif des transports publics, en première classe.

 

Autres frais

Art. 24   Les frais de ports, de copies et de téléphone sont calculés selon les frais effectifs ou forfaitairement à raison de 5% du montant de l’indemnité, à l’exception des frais de déplacement.

 

Mémoire d’indemnisation

Art. 25   à la fin de la procédure, l’avocat-e remet à l’autorité compétente le décompte des frais et honoraires donnant lieu à indemnisation, avec indication du temps consacré. à défaut, il est statué d’office.

 

Détermination du bénéficiaire de l’assistance judiciaire

Art. 26   Le mémoire d’indemnisation est communiqué à la personne bénéficiaire de l’assistance judiciaire pour lui permettre de se déterminer.

 

Prescription

Art. 27   La créance de l’avocat-e envers l’État se prescrit par cinq ans à compter de la fin du procès.

 

Acomptes

Art. 28   1L’avocat-e peut demander au pouvoir judiciaire, au moins une fois par an, le versement d’un acompte en justifiant son activité.  

2Il doit le faire, au moins une fois par an, si l’indemnité prévisible est supérieure à 25'000 francs.  

 

Chapitre 4

Sort des frais et des dépens

Principe

Art. 29   1L’autorité judiciaire ou administrative qui statue sur la cause fixe les frais judiciaires et les dépens et les répartit conformément au droit de procédure applicable en la matière.

2Elle communique au département le dispositif de son jugement ou de sa décision et lui indique le montant total de l’indemnité octroyée et les montants des acomptes déjà versés.

 

En cas de perte du procès

Art. 30   1La personne bénéficiaire de l’assistance judiciaire verse elle-même les dépens à la partie adverse.

2Les frais judiciaires sont à la charge du canton, sous réserve de l’article 32.

 

En cas de gain du procès

Art. 31   1Lorsqu’elle est condamnée à supporter les frais judiciaires, la partie adverse paie à l’État ceux que ce dernier a avancés à la personne bénéficiaire.

2Les dépens alloués à la personne bénéficiaire de l’assistance judiciaire sont versés à l’avocat-e par l’État.

 

Chapitre 5  

Remboursement des prestations de l’État

Principe

Art. 32   1La personne bénéficiaire de l’assistance judiciaire est tenue de rembourser les frais occasionnés par l’assistance judiciaire à l’État aussitôt que ses moyens financiers le lui permettent.

2La créance de l’État se prescrit par dix ans à compter de la fin du procès.

 

Remboursement anticipé

Art. 33   1Dès l’octroi de l’assistance judiciaire, le département peut exiger de la personne bénéficiaire le versement d’acomptes à valoir sur les prestations de l’État.

2Il tient compte notamment des charges prises en considération pour l’octroi de l’assistance judiciaire, ainsi que de la situation personnelle et familiale de la personne bénéficiaire.

 

Cession de créance

Art. 34   1L’État peut se faire céder, à concurrence des frais occasionnés par l’assistance judiciaire, tout ou partie de la créance éventuelle résultant du procès pour la personne bénéficiaire de l’assistance judiciaire.

2La cession n’est valable que si elle a été constatée par écrit. Le formulaire de requête comporte une mention à cette fin.

 

Procédure de remboursement

Art. 35   1À la fin de l’instance, le département examine si la personne bénéficiaire de l’assistance judiciaire est en mesure de rembourser les frais judiciaires pris en charge par l’État et l’indemnisation versée à l’avocat-e.

2À cette fin, le département est autorisé à se renseigner auprès de l’autorité fiscale sur la situation de la personne bénéficiaire. Le formulaire de requête comporte une mention à cette fin.

3L’article 33, alinéa 2, est applicable.

 

Convention

Art. 36   1Lorsque la personne bénéficiaire de l’assistance judiciaire dispose des moyens nécessaires, le département convient avec elle du remboursement et en fixe les modalités.

2À défaut de convention, ou en cas de non-respect de celle-ci, le département rend une décision fixant les modalités du remboursement. La procédure est régie par la loi sur la procédure et la juridiction administratives (LPJA)[4].

 

Exécution forcée

Art. 37   Au besoin, le département recouvre les frais occasionnés par l’assistance judiciaire par la voie de l’exécution forcée.

 

Chapitre 6  

Voies de droit

En matière civile

Art. 38   Les décisions de l’autorité compétente de première instance concernant l’octroi, le refus ou le retrait de l’assistance judiciaire, de même que la désignation d’un-e avocat-e, sa révocation, son remplacement et son indemnisation, peuvent faire l’objet d’un recours auprès de la Cour civile du Tribunal cantonal.

 

En matière pénale

Art. 39   Les décisions de l’autorité compétente de première instance concernant l’octroi, le refus ou le retrait de l’assistance judiciaire, de même que la désignation d’un-e avocat-e, sa révocation, son remplacement et son indemnisation, peuvent faire l’objet d’un recours auprès de l’Autorité de recours en matière pénale du Tribunal cantonal.  

 

En matière administrative

Art. 40   Les décisions de l’autorité compétente de première instance concernant l’octroi, le refus ou le retrait de l’assistance judiciaire, de même que la désignation d’un-e avocat-e, sa révocation, son remplacement, son indemnisation, ainsi que le remboursement peuvent faire l’objet d’un recours auprès de la Cour de droit public du Tribunal cantonal.

 

Chapitre 7  

Dispositions pénales

Sanctions

Art. 41   1Celle ou celui qui, intentionnellement, aura fait, oralement ou par écrit, une déclaration inexacte ou incomplète en vue d’obtenir ou de maintenir l’assistance judiciaire, ou de faire obtenir à un tiers l’assistance judiciaire, sera puni-e d’une amende.

2La personne bénéficiaire qui, intentionnellement aura omis de communiquer une modification des faits sur lesquels repose la décision d’octroi de l’assistance judiciaire, ou la survenance de tout autre fait relatif aux conditions d’octroi de l’assistance judiciaire, sera punie d’une amende.

 

Chapitre 8  

Dispositions finales

Abrogation du droit en vigueur

Art. 42   Les dispositions suivantes sont abrogées :

a)  les articles 60a à 60i de la loi sur la procédure et la juridiction administratives (LPJA), du 27 juin 1979 ;

b)  les articles 55 à 57 du décret fixant le tarif des frais, des émoluments de chancellerie et des dépens en matière civile, pénale et administrative (TFrais), du 6 novembre 2012[5] ;

c)  les articles 12 à 23 de la loi d’introduction du Code de procédure civile (LI-CPC), du 27 janvier 2010[6] ;

d)  les articles 15 à 24 de la loi d’introduction du Code de procédure pénale (LI-CPP), du 27 janvier 2010[7].

 

Référendum facultatif

Art. 43   La présente loi est soumise au référendum facultatif.

 

Entrée en vigueur et promulgation

Art. 44   1Le Conseil d’État fixe la date de l’entrée en vigueur de la présente loi.

2Il pourvoit, s'il y a lieu, à sa promulgation et à son exécution.

 

 

Loi promulguée par le Conseil d'État le 8 juillet 2019.

L’entrée en vigueur est fixée avec effet au 1er juillet 2019.

 

 

 

 

 



(*) FO 2019 No 24

 

[1]     RSN 101

[2]     RS 272

[3]     RS 312.0

[4]     RSN 152.130

[5]     RSN 164.1

[6]     RSN 251.1

[7]     RSN 322.0