931.1
26 janvier 2021
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Loi
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État au |
Le Grand Conseil de la République et Canton de Neuchâtel,
vu le Code civil suisse, du 10 décembre 1907[1] ;
sur la proposition du Conseil d'État, du 23 octobre 2018 ;
sur la proposition de la commission temporaire Exploitation durable du sous-sol, du 16 décembre 2020,
décrète :
Article premier La loi a pour but de permettre et de fixer les conditions d'une utilisation du sous-sol conforme au développement durable et respectueuse de l’environnement ainsi que des ressources en eau.
Art. 2 La loi régit l’utilisation du sous-sol, détermine les biens qui sont la propriété de l’État dont l’exploitation est soumise à un monopole et règle les procédures applicables.
Art. 3 1La loi s’applique à toute forme d’utilisation du sous-sol.
2Sont notamment visés :
a) l’exploitation de matières premières ;
b) la géothermie profonde ;
c) le stockage souterrain de fluides ou de gaz par injection directe depuis la surface ;
d) la prospection et l’exploration.
3La législation en matière de protection de l’environnement, des eaux ainsi que des constructions est réservée.
Art. 4 Au sens de la présente loi, on entend par :
a) le sous-sol : le sol souterrain au-delà de la profondeur utile à l'exercice de la propriété privée ;
b) l’utilisation : toutes les activités telles que la prospection, l’exploration, l’exploitation et l’extraction ;
c) la prospection : la recherche d’informations sur un terrain, par des méthodes non-invasives (indirectes) et invasives (directes) ainsi que des démarches documentaires ;
d) l’exploration : l’ensemble de techniques de prospection qui ont recours aux méthodes invasives telles que les forages ou sondages physiques ;
e) l’exploitation : les activités qui font usage du sol ou du sous-sol relatives à une ressource extraite, y compris le stockage ou, cas échéant, un premier traitement ou une première étape de distribution ;
f) l’extraction : les actions destinées à extraire concrètement une ressource du milieu naturel dans lequel elle est disponible, sous forme de volumes de matières ou d’énergie ;
g) les matières premières : les ressources de matière non renouvelable ;
h) l’énergie géothermique : l’énergie de la chaleur de la terre stockée sous la surface terrestre ;
i) la géothermie profonde : l'exploitation de l’énergie géothermique à plus de 400 mètres de profondeur, permettant de produire chaleur et électricité grâce à de hautes températures.
Art. 5 La prospection et l’exploitation de gisements d’hydrocarbures sont interdites.
Propriété et monopole
Art. 6 1Le sous-sol, son utilisation aux fins de stockage de fluides ou de gaz, ses matières premières et l’énergie géothermique profonde sont la propriété de l’État.
2Leur exploitation est soumise à un monopole qui peut être concédé à un tiers.
Art. 7 La prospection est soumise à un permis d’étude, y compris pour le propriétaire du bien-fonds concerné.
Art. 8 1L'exploitation des biens propriété de l'État est soumise à concession, y compris pour le propriétaire du bien-fonds concerné.
2Un site ne peut être l’objet que d’une concession.
3Une concession ne peut porter que sur une seule activité.
Conditions et dispositions communes à la prospection et à l'exploitation
Art. 9 Le requérant d'un permis d'étude ou d'une concession doit remplir les conditions suivantes :
a) être une personne physique ou morale ou une collectivité publique neuchâteloise ;
b) être solvable ;
c) être à même d'offrir, avant la prospection ou l'exploitation, les sûretés nécessaires pour garantir la réparation de tout dommage causé au sous-sol, au propriétaire du fonds concerné, à l'environnement ou aux ressources en eaux ;
d) avoir son domicile ou son siège dans le canton de Neuchâtel ;
e) disposer de moyens suffisants et adéquats pour parvenir au terme de la prospection ;
f) disposer des aptitudes techniques pour mener les travaux dans le respect des règles de l’art ;
g) avoir conclu et produit une assurance responsabilité civile couvrant les dommages causés à autrui. Cette assurance doit couvrir toute la durée du permis et de la concession ;
h) remettre régulièrement à l’État un rapport sur les données géologiques et hydrologiques et leur interprétation. Le Conseil d’État fixe la fréquence de la remise du rapport ;
i) être à même de financer la remise en état du site et l’évacuation des déchets si la prospection n’aboutit pas à une concession.
Conditions matérielles
Art. 10 1L'utilisation requise ne doit en aucun cas porter atteinte à l'environnement ou aux ressources en eaux.
2Les prescriptions en matière d'aménagement du territoire, de protection de la nature et du paysage, de protection de l’environnement et des eaux, de police sanitaire, d'agriculture, de construction et d'énergie doivent être respectées.
3L’utilisation doit permettre une remise en état du site en cas de cessation des activités.
Art. 11 1La demande de permis d'étude ou de concession :
a) décrit le périmètre, la durée et les méthodes de prospection, respectivement d'exploitation ;
b) décrit l'exploitation envisagée ;
c) démontre les moyens mis en œuvre pour éviter de porter atteinte à l'environnement et aux ressources en eau et pour remettre le site en état ;
d) est accompagnée de l'accord écrit des propriétaires fonciers concernés s'ils ne sont pas requérants.
2La demande de concession se réfère en plus au rapport de prospection.
3Le requérant adresse sa demande écrite et motivée au Conseil d'État.
Art. 12 1Le titulaire d’un permis d’étude ou d’une concession informe immédiatement les autorités compétentes de la découverte :
a) de toute trouvaille archéologique ;
b) de toute matière première autre que celle objet du permis ou de la concession ;
c) d’une nappe phréatique ;
d) d’une formation karstique importante.
2Ce devoir d’information s’applique même si la découverte va au-delà du périmètre de prospection ou d’exploitation.
Art. 13 1Toute exploitation du sous-sol doit être précédée d'une prospection.
2Le but de la prospection est d'établir si la nature du sous-sol se prête à l'exploitation envisagée, de recenser les biens à protéger et les moyens à mettre en œuvre à cet effet.
Activité soumise à permis d'étude
Art. 14 Un permis d'étude est nécessaire pour la prospection du sous-sol.
Permis d'étude
Art. 15 1Le permis d'étude est octroyé par le Conseil d'État si les conditions personnelles et matérielles définies par la loi sont remplies.
2Il peut être assorti de charges et d'autres conditions. Ses limites et sa durée peuvent être modifiées ultérieurement suivant les circonstances.
3Il est personnel et ne peut être transféré sans l'autorisation du Conseil d'État.
Art. 16 1Le permis d'étude devient caduc si la prospection ne débute pas dans les délais fixés ou s'il n'a pas été prolongé à son échéance.
2Le Conseil d'État peut le retirer si le titulaire n'en respecte pas la teneur ou les conditions.
Art. 17 1Le département désigné par le Conseil d'État (ci-après : le département) transmet la demande aux services cantonaux et aux communes concernés pour préavis.
2À l'issue de l'examen du dossier, le département établit un préavis de synthèse à l'attention du Conseil d'État.
3Le Conseil d'État statue sur la demande par voie de décision. En cas d'octroi, il statue également sur le montant et la nature des sûretés à déposer.
Art. 18 Le titulaire d'un permis d'étude a le droit de prospecter le sous-sol aux conditions définies par le permis.
Art. 19 1Le titulaire d'un permis d'étude dépose les sûretés nécessaires avant le début de la prospection.
2Le service désigné par le Conseil d’État contrôle pendant la prospection que les conditions du permis d'étude sont respectées.
Dépôt du rapport de prospection
Art. 20 1À l'issue de la prospection, le titulaire du permis dépose auprès du Conseil d'État un rapport de prospection qui :
a) décrit les matières premières trouvées et la nature du sous-sol ;
b) analyse les potentialités d'exploitation de matières premières, de géothermie profonde ou de stockage ;
c) indique les biens à protéger en vue d'une exploitation ;
d) évalue les risques environnementaux.
2Le dépôt du rapport crée en faveur du titulaire du permis un droit de préférence.
3Les résultats issus de la prospection et des analyses du sous-sol sont à mettre à disposition de l’autorité cantonale. Elle peut utiliser les connaissances qui en découlent dans l’exercice de ses tâches.
4Le canton répertorie l’emplacement et le déroulement des forages et des sondages géophysiques effectués ainsi que les résultats obtenus.
Droit de préférence
Art. 21 1Le droit de préférence consiste à privilégier la personne qui dépose un rapport de prospection en cas de demande d’un tiers relative à l'octroi d'une concession sur le site prospecté.
2Le droit de préférence se limite aux exploitations potentielles expressément relatées dans le rapport.
3Si, dans les
douze mois qui suivent le dépôt du rapport de prospection, le titulaire du
permis d'étude n'a pas demandé de concession, il est déchu du droit de
préférence, sous réserve d'une prolongation de ce délai par le Conseil d'État.
Réserve de l'État |
Art. 22 1L'État peut se réserver l'exploitation du sous-sol prospecté ou la concéder à des tiers qui consentiraient des conditions plus avantageuses.
2Le droit de préférence est alors converti en un droit au remboursement des frais réels de prospection, majoré de 10% au maximum.
3Si l'État concède l'exploitation à un tiers, l'indemnité visée à l'alinéa 2 ci-dessus est due par ce dernier.
Section 1 : procédure d'octroi de la concession
Activités soumises à concession
Art. 23 1Une concession est nécessaire pour toute exploitation du sous-sol et notamment le stockage, l'extraction de matières premières, la géothermie profonde et les carrières en galerie.
2L'exploitation de l'énergie géothermique, quelle que soit sa profondeur, à partir d'une puissance totale de 1 méga Watt (MW) est également soumise à concession.
Art. 24 1Le dossier de demande de concession est déposé auprès du département où chacun peut le consulter durant 60 jours.
2Le département informe les communes concernées du dépôt et le rend public par trois insertions dans la Feuille officielle.
Art. 25 1Le Conseil d'État peut faire procéder à une expertise sur toute question que soulève la demande de concession.
2Les frais de publicité, d'expertise et d'étude de la demande de concession sont à la charge du demandeur.
Art. 26 1Pendant le délai de publication, les oppositions aux demandes de concessions sont adressées, par écrit et motivées, au département.
2La procédure d'opposition est gratuite.
3Pour toute demande de concession publiée entre le 7 juillet et le 25 juillet, le délai d'opposition échoit le 24 septembre. Le délai n'est pas suspendu pendant les vacances judiciaires prévues par la législation sur la procédure administrative.
Art. 27 1En cas de compétition entre deux ou plusieurs requérants ou entre un requérant et un opposant qui présente une demande dans le délai d'opposition, le département, toutes publications faites, cherche à concilier les intérêts contradictoires.
2S'il n'y parvient pas et en cas d’octroi, il donne la préférence au requérant qui sert le mieux les intérêts généraux et utilise le sous-sol de manière optimale.
Décision et conditions d'octroi
Art. 28 1Après consultation du Grand Conseil, le Conseil d'État, statue sur les demandes de concession et les oppositions par voie de décision.
2Une concession peut être accordée aux conditions cumulatives suivantes :
a) les conditions personnelles et matérielles définies par la loi doivent être remplies ;
b) le sous-sol se prête à l'utilisation sollicitée ;
c) aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s'oppose à l'utilisation sollicitée.
3Le Conseil d’État fixe dans l’acte de concession la durée de celle-ci, la redevance et son montant ainsi que les charges et autres conditions relatives notamment :
a) à la responsabilité pour les risques particuliers du projet ;
b) à la remise en état du site à l’échéance de la concession et à l’évacuation des déchets ;
c) à la garantie du financement des mesures de la lettre précédente, dans les 10 ans qui suivent l’échéance de la concession.
Art. 29 1La concession est établie une fois la décision d'octroi entrée en force.
2Elle est personnelle et ne peut être transférée sans l'autorisation du Conseil d'État.
Section 2 : droits et obligations du concessionnaire
Art. 30 Le concessionnaire a le droit d'exploiter le sous-sol aux conditions définies par la concession.
Art. 31 1Le concessionnaire exécute les ouvrages et les travaux selon les plans approuvés.
2Il ne peut les modifier sans l'autorisation préalable de l'autorité concédante.
3Il les exploite dans le respect des règles de l'art et des dispositions établies pour la protection des personnes et des biens.
4Il se conforme aux ordres des autorités compétentes habilitées à contrôler régulièrement l'exploitation.
Art. 32 Le Conseil d'État a toujours le droit d'interdire l'exploitation si sa sécurité est compromise ou si elle compromet celle des personnes et des biens, de l'environnement, de la faune et de la nature ou des ressources en eaux.
Art. 33 Le concessionnaire est tenu d'indemniser les tiers de tout dommage causé par l'exploitation ou les travaux qui en découlent.
Art. 34 En cas d'exploitations voisines, le Conseil d'État peut, après avoir entendu les concessionnaires, décider de les contraindre à exploiter des équipements en commun, dans un but d'utilisation rationnelle du sous-sol.
Section 3 : fin de la concession et renouvellement
Art. 35 1La concession s'éteint de plein droit si l'exploitation du sous-sol ne débute pas dans le délai de deux ans dès la date de l'acte de concession ou cesse pendant deux années consécutives.
2Le concessionnaire pourra, dans les six mois dès l'expiration des délais ci-devant, demander au Conseil d'État d'être relevé de cette péremption s'il justifie que son inaction a été causée par des circonstances de force majeure.
Art. 36 Le Conseil d'État prononce la déchéance de la concession si le concessionnaire contrevient aux lois ou aux clauses de la concession.
Art. 37 1La concession s'éteint par l'expiration du temps pour lequel elle a été accordée. Elle peut être renouvelée.
2La procédure d'octroi de la concession s'applique au renouvellement.
3Si le renouvellement est refusé, soit parce que l'État entend se réserver l'exploitation, soit parce qu'il la concède à des tiers qui consentiraient des conditions plus avantageuses, l'ancien concessionnaire a droit à une indemnité équitable représentant la valeur des ouvrages encore utiles.
Dispositions spéciales relatives aux ressources et matières premières non-soumises à monopole
Art. 38 Les ressources et matières premières non-soumises à concession appartiennent au propriétaire du sol qui peut les exploiter, dans les limites de la législation sur l'extraction de matériaux, sur la protection de l'environnement et sur la protection de l'eau.
Art. 39 1À défaut d'autorisation prévue par d'autres lois, l'exploitation des ressources et matières premières non-soumises à concession est soumise à autorisation du Conseil d'État.
2Le requérant joint à sa demande un profil géologique des terrains intéressés par l'exploitation, ainsi qu'un exposé des travaux projetés.
3Le Conseil d'État pourra toujours, si les renseignements fournis ne lui paraissent pas suffisants, faire procéder à une expertise aux frais du propriétaire.
Art. 40 L'autorisation est délivrée si l'exploitation :
a) respecte les conditions prévues à l'article 10 ci-dessus ;
b) garantit la sécurité du personnel ainsi que la stabilité des terrains environnants.
Décision |
Art. 41 Le Conseil d'État rend une décision qui porte notamment sur l'activité autorisée. Il fixe les conditions et charges relatives à l'exploitation, sa sécurité, son périmètre et sa durée.
Art. 42 1Le Conseil d'État est habilité à faire contrôler que l'exploitation des ressources et matières premières non-soumises à concession est conforme à l'autorisation délivrée et respecte les conditions matérielles.
2Le bénéficiaire de l’autorisation tient à jour un plan de son exploitation que le département peut consulter en tout temps.
Art. 43 La procédure est régie par la loi sur la procédure et la juridiction administratives (LPJA), du 27 juin 1979[2].
Art. 44 Les décisions du Conseil d'État, du département et des services peuvent faire l'objet d'un recours auprès du Tribunal cantonal.
Art. 45 Font l'objet d'une action de droit administratif devant le Tribunal cantonal les contestations :
a) s'élevant entre concessionnaires ou entre l'État et un concessionnaire relativement aux droits et aux obligations découlant des concessions ;
b) relatives aux indemnités prévues aux articles 22 et 37 ci-dessus.
Art. 46 1À moins qu'elles ne soient réprimées par la législation fédérale ou par d'autres textes de droit cantonal, les infractions à la présente loi et à ses dispositions d'exécution sont punies de l'amende d'un montant maximum de 40’000 francs.
2La tentative et la complicité sont punissables.
Art. 47 1Toute décision prise par une autorité pénale du canton en vertu de la présente loi ou de ses dispositions d'exécution doit être communiquée au département.
2Si le département le demande, le dossier doit lui être soumis.
Dispositions d'exécution, modification du droit en vigueur et promulgation
Art. 48 Le Conseil d'État arrête les dispositions nécessaires à l'exécution de la présente loi.
Modifications du droit en vigueur
Art. 49 1La loi sur les mines et carrières (LMiCa), du 22 mai 1935[3], est abrogée.
2La loi sur l'utilisation du domaine public (LDUP), du 22 mars 1996[4], est modifiée comme suit :
Article premier, al. 2
2Est réservée la législation concernant l'utilisation du sous-sol, les concessions sur l’usage de l’eau, les concessions sur les grèves des lacs et cours d'eau faisant partie du domaine de l'État, celle concernant le camping et le caravaning sur le domaine public de l'État, ainsi que celle relative au stationnement des communautés nomades.
Promulgation |
Art. 50 1La présente loi est soumise au référendum facultatif.
2Le Conseil d’État pourvoit, s’il y a lieu, à la promulgation et à l’exécution de la présente loi.
3Il fixe la date de son entrée en vigueur.
Loi promulguée par le Conseil d'État le 24 mars 2021.
L’entrée en vigueur est fixée avec effet au 1er juillet 2021.